Avocat, Marc Hottinger travaille à l’IPI, au sein de la division Droit & Affaires internationales. Compositeur et musicien depuis plus de vingt ans, il a joué de la guitare et de la basse avec des groupes suisses renommés, tels que Stress et Snitch. Durant son temps libre, il continue de se produire avec différents groupes, y compris à l’international. Dans le cadre de l’événement public CLTR 2024, il apporte son expertise en matière de droit d’auteur pour soutenir l’équipe.
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Quand l’IA gomme les imperfections humaines, la créativité en souffre.
À l’époque où Marc Hottinger se consacrait pleinement à sa carrière d’interprète et de compositeur, l’intelligence artificielle (IA) n’avait pas encore pris une place majeure dans l’industrie musicale, et les plateformes de streaming en étaient à leurs balbutiements. Aujourd’hui, le domaine de la musique a radicalement changé, et Marc Hottinger estime qu’il sera essentiel d’instaurer à l’avenir un devoir de transparence pour les créateurs. Désormais juriste à l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI), Marc Hottinger reste un musicien passionné pendant son temps libre.
Marc Hottinger, vous avez été témoin de l’évolution technologique dans l’industrie musicale depuis plus de vingt ans. En quoi les plateformes de streaming et l’IA ont-elles transformé ce domaine ?
Marc Hottinger : Les plateformes ont offert aux artistes la possibilité de diffuser leurs œuvres à l’échelle mondiale de manière simple et abordable, sans dépendre des réseaux de distribution traditionnels. Cette ouverture, qui permet de ne plus dépendre d’un contrat avec un label, est une évolution positive à mes yeux. Cependant, en termes de visibilité et de commercialisation, il reste très difficile de se démarquer. À cet égard, la collaboration avec des partenaires influents et disposant d’un bon réseau demeure essentielle pour assurer une bonne diffusion de sa musique.
Les analyses montrent qu’il est crucial de capter l’attention dès les premières secondes d’une chanson pour éviter que les auditeurs ne passent au titre suivant. Les plateformes contribuent-elles à une uniformisation de la musique ?
La tendance, observée depuis longtemps, selon laquelle les chansons de musique populaire suivent certains schémas est aujourd’hui scientifiquement prouvée. Par exemple, les titres qui caracolent en tête des hit-parades sont devenus plus courts. Des plateformes comme Spotify considèrent qu’une chanson a été « écoutée » dès qu’elle a été jouée pendant 30 secondes d’affilée. Cela pousse naturellement les musiciens à concentrer leurs efforts sur ces premières secondes pour rendre leur morceau immédiatement reconnaissable et maximiser le nombre de lectures. Certes, des groupes comme les Beatles composaient déjà des chansons courtes, mais à mon sens, la différence aujourd’hui réside dans la pression accrue à devoir suivre systématiquement ces principes précis pour être récompensé par les algorithmes en bénéficiant d’une meilleure visibilité. Cette contrainte finit par nuire à la créativité.
Si je sais qu’une œuvre a été créée par l’IA, je ne l’écoute pas de la même manière que si elle a été composée par un artiste. La musique composée par un être humain est toujours teintée d’expériences personnelles. C’est justement ce qui fait la beauté des bonnes chansons : elles ne sont pas toujours parfaites, ni sur le plan des paroles, ni sur le plan musical, et elles ne doivent pas non plus l’être. Si l’IA corrige automatiquement chaque erreur grammaticale ou chaque nuance sonore, ou pire, empêche même qu’elles se produisent, nous risquons de perdre beaucoup en termes de création artistique.
« Ce qui fait la beauté des bonnes chansons : elles ne sont pas toujours parfaites, ni sur le plan des paroles, ni sur le plan musical, et elles ne doivent pas non plus l’être. »
Les plateformes musicales permettent de télécharger et de diffuser facilement des œuvres sous licence. Des entreprises comme Spotify et Apple Music génèrent ainsi des chiffres d’affaires colossaux. Mais qu’en est-il pour les créateurs de musique ?
Les superstars, comme Taylor Swift, gagnent des millions grâce à ces plateformes – pour elles, c’est une aubaine. Mais pour le groupe suisse moyen, le coût de l’électricité consommée pour produire sa musique dépasse probablement la rémunération qu’ils reçoivent pour ses streams sur Spotify. Pour les musiciens indépendants, il est très difficile, voire presque impossible, de vivre uniquement des recettes réalisées par le biais de ces plateformes.
Certains groupes peuvent tirer parti de la visibilité offerte par ces plateformes en attirant du public à leurs concerts live, ce qui leur permet de générer des revenus. Cependant, pour les artistes moins connus, il est devenu encore plus difficile de se produire depuis la pandémie, car de nombreuses petites scènes culturelles ont été contraintes de fermer leurs portes. Organiser des tournées rentables est désormais devenu un privilège réservé aux musiciens et groupes bénéficiant déjà d’une grande notoriété.
L’identification des œuvres générées par l’IA serait-elle bénéfique pour les musiciens ?
Selon le droit en vigueur, une œuvre musicale est protégée par le droit d’auteur lorsqu’elle est écrite et composée par un être humain. Les œuvres générées par l’IA n’ont pas droit à cette protection. Cette distinction soulève deux questions pour moi : comment vérifier si une chanson a été créée par un humain ou par une machine ? Et où trace-t-on la ligne entre « généré par l’IA » et « créé avec l’aide de l’IA » ? Je peux par exemple composer chez moi et demander à une IA de générer une intro de batterie pour m’aider à structurer la chanson; cette intro sera ensuite jouée par une batteuse pour l’enregistrement en studio. Dans ce cas, doit-on considérer que l’œuvre a été créée avec l’aide de l’IA ou non ?
Je pense qu’il est essentiel d’imposer une obligation de transparence. Il n’est pas juste que les musiciens qui investissent toute leur énergie dans leur travail gagnent finalement moins que ceux qui produisent des œuvres générées par l’IA en un claquement de doigts.